Bienvenue au cours Expression II de la session hiver 2009. J’ai décidé de structurer ce cours autour du concept de
Memento mori. Depuis sa naissance au tout début de l’ère victorienne (époque remplie de pratiques et de croyances spiritistes et occultes), la photographie a toujours été imbibée de ce « rappel de mortalité ».
Plusieurs raisons expliquent le grand nombre de photographes fascinés par la notion de « memento mori ». J’en mentionnerais quelques unes : 1) l’arrêt temps fige le sujet humain par une sorte de rigidité cadavérique; 2) le lien physique avec la personne photographiée rappelle la notion d’empreinte, ou trace, qui accentue l’absence de cette personne; 3) et, finalement, la rupture du flux temporelle qui fige l’image dans un passé perpétuellement présent crée un repère temporel pour le spectateur, ce qui augmente la conscience de son propre passage dans le temps, donc sa mortalité.
Quand nous regardons une photographie, nous pouvons imaginer que le sujet est emprisonné dans un temps stoppé. Mais on pourrait aussi considérer que c’est nous qui sommes prisonniers dans un flux temporel incessant nous conduisant à notre destin funeste.
Dans
Le Portrait de Dorian Gray, Oscar Wilde tente de sensibiliser ses lecteurs à la relation entre l’univers figé de l’imagerie et le flux continu du monde réel en inversant les rôles. Le corps de Dorian Gray reste suspendu dans un temps arrêté alors que son portrait entreposé dans le grenier continue à vieillir. Les photographies de Jesse A Fernandez des momies de Palermo me font le même effet que le roman d’Oscar Wilde. Les momies sont photographiées dans différents états de décomposition; plusieurs sont supportées par des broches clouées au mur. Les corps sont figés à jamais au moment où la mort les a saisies, mais ils continuent à se décomposer. Cela me donne l’impression que la caméra n’a pas réussi à suspendre le temps, tout comme le portrait de Dorian Gray.
Bonne session!